Dans la sombre forêt, non loin de Sombrum, la difficulté à y distinguer des êtres qui marchaient, était accrue. La densité des arbres voilait le soleil, étourdissant les voyageurs, de son épais feuillage noircit par l’absence de lumière. Des hommes marchèrent lentement, s’enfonçant au centre de la haute futaie. Un air frais, léger et doux, plein d’odeur d’herbes et de feuillages, versait aux veines un nouveau sang, au cœur une énergie nouvelle. Nastël tourna vers un sentier, par une allée étroite, entre deux armées d’arbres démesurément hauts qui mettaient un toit vert, épais, presque noir, entre le ciel et lui. Un frisson le saisit soudain, non pas un frisson de froid, mais un étrange frisson d’angoisse.
Une réunion des rebelles était à l’ordre du jour. Le vent sifflait toute information judicieuse. L’ignorance n’existait pas, tous mouvements et toutes manœuvres étaient su du Grand Nargolith ; informé par les ombres, espions lui donnant allégeance, fidèles à la reine. Une attaque devenait imminente. Le temps est venu, l’extermination devait débuter une fois pour toute. Telle était la volonté de la République, de la reine Sergorath. Les formations se rassemblèrent aux bordures de la forêt. Nastël, en tête de troupe, avait élaboré une tactique parfaite grâce à son grand talent de stratège. Les unités séparées en deux camps s’approchèrent lentement et silencieusement des infidèles. Nastël chargea le premier et fonça sur les rebelles, suivit par ses vaillants combattants.
Glaives en main, ils donnèrent grâce à Narshoul. Le combat fut sanglant, les lames s’entrechoquèrent, les flèches sifflaient, les chevaux hennissait ; agiles esquives et brillantes techniques montaient un spectacle intéressant. En un coup d’œil, Nastël identifia celui qui menait ces activités rebelles. Il était clôturé de fier à bras, semblant le protégé. En un sourire narquois, il prit en mire le groupe de garde du corps. Dague à la main droite, lame à la renverse de sa main gauche, il bondit dans le tas. Parant les attaques de son glaive, il arracha de par son couteau un morceau de chair, trop à découvert par la faille du collier clouté. Il esquiva la seconde tentative, mettant pied sur la lame de l’adversaire, lui fit voir la perfection de sa lame, qu’il enfonça à la verticale, dans la visière du bassinet. Le troisième homme se rua sur lui, portant son épée au ventre du Sherk-Ien. Nastël para le coup de sa dague et pivota sur lui-même, laissant passer l’ennemie à ses côtés, le dos à découvert, qu’il imposa la visite de son glaive à la renverse. En vertu de l’incroyable agilité de l’homme, la tête du mouvement prit la seule option qui s’offrait à lui, la fuite. Libérant son glaive d’une baignade impure, il s’élança de tout son long, lui agrippant les pieds. L’émeutier trébucha. Au moment où Nastël fût enfin accroupi au dessus de son torse ; tant d’année à devoir défendre les intérêts de la reine ainsi que ses projets à démanteler les complots ennemis, allaient prendre plus de valeur, une fois cet homme mort. Il pointa son glaive au cou du Nargolith le mettant en soumission, paré à l’annihilation de ce régime anarchique. Il hésita une seconde ; «Et si la rébellion était juste ?». Ce moment de perplexité signa une page d’histoire. L’aspirant à son titre profita d’un soulèvement de poussière de la terre sèche, pour voiler ses intentions corrompues. Nastël senti une lourde pression à la nuque, une déchirure terrible, le plongeant dans l’atroce abîme de la souffrance. Dans une légèreté amusée, le candidat souffla quelque mot :
- J’aiguisais patiemment sur mon cœur le poignard, portant à ta nuque sa mire, froidement considéré d’un hasard, la mort t’admire.
Le révolutionnaire prit aussitôt la fuite, apercevant la cavalerie se dirigeant férocement en sa direction. À mesure qu’approchait la mort, une inquiétude incompréhensible l’envahit, comme si la nuit cachait pour lui un destin nouveau. Il se mit à pleuvoir à en nettoyer les dégâts, un grand nargolith venait de tomber.
Peu de temps après le siège, heaumes et fers inanimés, laissant derrière tous les manifestants égorgés souffrir la vive douleur de l’imperfection, décoraient fièrement la dense végétation.
Le meneur revint en force, avec des plans sociales, des théoriques politiques, discriminant le pouvoir injuste au peuple. La réelle menace vint un beau jour de la période chaude, où il élabora une thèse sur les réelles origines de Sergorath, pour ainsi dire les racines Nargoliths. Ces interprètes dictaient ces écrits au peuple, à la taverne, chez le barbier, à la bibliothèque, ne reculant aucunement devant la mort certaine, s’il venait qu’à être captif du gouvernement. Sergorath perdit patience et se révolta violemment contre ses effectifs. Elle exigea la tête du révolté, sans quoi elle s’occuperait de la leur. Les baronnies envoyèrent bon nombre d’espions, à la recherche du fugitif et de ces écrits. Un raid d’assassins fut levé, une opération discrète d’espionnage vit le jour, les soldats s’entraînèrent pour l’avenir de l’empire. Les espions revinrent avec l'emplacement du campement rebelle, les assassins furent leur travail en une soirée. Quelque temps après leur retour, l’opération militaire alla y faire son ménage. Le ciel était rouge, le vent frisquet. La révolution venait de prendre fin, la tête du défunt iconoclaste fut déposée par son assassin sur la table de marbre du monarque noir. Les espions revinrent cependant les mains vides de papier, seule une énigme en tête : C’est l’ignorance qui nous aveugle et nous égard, qui ne connaît pas l’histoire, ne connaît rien.
Sergorath fit vider la bibliothèque au grand complet, mais n’y trouva rien d’intéressant. Elle fit donc un communiqué à la population. Son message visait à dire qu’aucun écrit ne fut trouvé, ce n’était que des pures inventions imaginées dans l’intérêt de déstabiliser la république. Elle déclara que cette famille n’était depuis un certain temps, plus digne d’être reconnu comme nargolith, puisque leurs esprits étaient contrôlés par une soif de pouvoir inconditionnel. L’imperfection trônait leurs idées, méditant sur une faiblesse inexistante du système établi. Nul n’eu jamais vu ces documents, ce qui leur confèrent une non-existence. Néanmoins, nul n’eu jamais la conviction qu’ils n’ont jamais existé…
Sujet: Les Aveugles 
Sam 26 Aoû - 23:12
