Par une nuit éclairée, le soir d'un février d'été, Asylum, née d'un père et d'une mère, marchait d'un pas lent dans les rues turbulentes de la Silencieuse. Le vent tourbillonnait cassant la quiétude ambiante comme neige au soleil, mais Asylum n'en avait cure, même si quelques jours auparavant il avait attrapé et à la fois donner une vilaine grippe à quelques gitanes hastanes. Nonchallant, il ne pouvait que contempler attentivement les invertébrés marcher à contre-courant de la rivière, bravant le calme avant la tempête, la paix avant la guerre. Peut-être délirait-il au sommet de sa raison, mais le monde qui l'entourait semblait pour une fois, contenir son insatiable désire de turbulence, de chaos et de changement. Des flammes intérieurs capables d'éteindre toute étincelle de logique et de convention sociale coagulant à travers ses veines sèches.
Il arriva enfin à la taverne, même s'il n'en était jamais réellement sorti. Quelques moutons étaient assis ensembles à une table, parlant peu, échangeant quelques regards agards tout au moins. Non loin d'eux quelques créatures canines raillant, ébruiant leurs derniers exploits et finalement seul, dans un coin en plein centre, le Loup. Il n'avait rien des félins sinueux, engeances depuis longtemps disparues, qui prétendent encore arpenter les rues de la Sombre, c'était un prédateur. Asylum semblait s'approcher à grande vitesse du Loup, pourtant ces gestes étaient porteurs d'une lenteur exemplaire. Il décida de s'assoir près du Loup mais se revisa aussitôt : on ne peut s'assoir au côté de pareille créature que si cette dernière en émet le souhait formel. "Puis-je?" dit-il d'une voix ferme. "Si tu me donnes à boire, Deux Faces" répliqua sèchement le Loup, toujours à contempler sa chope à moitié vide, à moitié pleine. Asylum eut à peine le temps d'attirer l'attention du tavernier que son hôte le saisit de sa patte griffue. "Pas de ça, Ner'Val, je suis le Chasseur, je veux mon tribu" se contenta-t-il d'aboyer, ces yeux rouges rivés sur les prunelles du Nargolith. D'un air dépité, Asylum s'exécuta : il s'entailla les veines et en versa les trésors dans la chope du Loup. Ses forces faiblissaient mais la pinte ne semblait jamais se remplir, au grand plaisir du Prédateur qui ne cessait d'harceler Asylum avec quelques remarques acerbes. "Alors ça vient, Ner'Val? Tu ne va pas mourrir devant toute la galerie n'est-ce pas?" lui soufflait-il, à quelques lieux du visage d'Asylum, déformé par la douleur et l'épuisement. À bout de force, le Nargolith s'éfrondra au sol, pâle et vascillant.
"Il était temps, Ner'Val, je commençais à desespérer" dit le Loup. Il but la chope d'un trait puis se leva, toisant le Nargolith dans toute sa splendeur. "Tu as fait le premier pas, alors je vais t'aider, Deux Faces." Il tendit une main au Nargolith pour l'aider à se relever. Ce dernier accepta l'inventation prestement, écoutant avec attention les paroles du Loup. "Regarde les Moutons là bas" dit-il "des proies pour le Chasseur. Et tu vois les Chiens là-bas?" dit-il tout en les désignant du museau."Ils rient aujourd'hui car demain ils ne seront peut-être plus là pour le faire. Leur existence n'a que pour but que de m'empêcher de dévorer le Troupeau tout entier le même soir. Oh mais détrompe toi, ils ne chercheront pas à m'arrêter" dit-il, s'approchant encore plus d'Asylum, appeuré. "Ils ont besoin de moi pour justifier leur statut et leurs pouvoirs face au reste du Troupeau. Je suis le Mal nécéssaire. Et toi Ner'Val, que veux-tu être?"
Le Mal nécéssaire.
Sujet: Le Mal nécéssaire 
Dim 7 Déc - 0:32