À la taverne de Mirna, on racontait abondamment les évènements de la veille. Le récit était compté de façon confuse et il était difficile de discerner la part de vérité à l’intérieur de cette légende fantastique.
La pluie s'abattait sur les toits exigus recouvrant chaumières et châteaux de Sombrum. L'eau crasseuse s'agglutinait dans les rigoles sinueuses longeant les chemins pavés de la Sombre. Les derniers vestiges de l'Astre solaire s'étaient évanouis définitivement il y a de cela plusieurs heures. Seul un Nargolith bien singulier arpentait encore les avenues désertées menant à l’échoppe de Mirna. La lumière froide émanant des quelques lampadaires encore en fonction irritait les prunelles amendes du Nargolith. Ses pieds lui criaient misère, résultat de plusieurs heures de marches ardues au beau milieu de la jungle. Il pouvait à peine remuer ces doigts blafards sous ses lourds gantelets en sombralir, sans parler de son acouphène accentué par un silence partiellement violé par la pluie. Néanmoins, ses sens étaient aiguisés et excessivement pointus, à l'affut de tout danger, de tout péril. Sa route le mena inévitablement vers un groupement hétéroclites : un Narsillion, de taille immense, encerclé par quelques Lames Noires et citoyens armés jusqu’aux dents.
«Laissez … moi…passez », dit le Fieffé, de sa voix saccadée.
Malgré ces avertissements, la Lame Noire Mihehl, seul, barrait la route du légendaire Kanzlav. Ce dernier agissait comme seul rempart devant la terreur glaciale du Fieffé. La populace Nargolith entière se tenait derrière lui, retenant son souffle devant l’affrontement imminent.
Vytautas ne put retenir son effroi devant le Narsillion, le dominant d’au moins une tête, arme en main. Il brandit alors son pavois d’obsidienne, chargeant le Démon de toute sa fougue et de son courage. Le Fieffé n’eut aucune pitié : il n’épargna ni femmes ni enfants sur son passage, tentant malgré tout de poursuivre sa route.
Asylum serra les poings devant le triste spectacle de la débandade de la troupe Nargolith. Il enfila son heaume et consulta du regard une dernière fois son livre de sorts. Il prit une grande inspiration, des pages et des pages de formules arcaniques défilant devant ses yeux. Les prochaines secondes allaient probablement être ses dernières s’il venait à balbutier la mauvaise incantation.
Le combat s’engagea. Des torrents d’éclairs et de boule de glaces fusent d’une part et répondant au tourbillon incessant de la Lame Vampirique. Le Fieffé, malgré les coups et le sang versé, ne semblait jamais faiblir, se nourrissant à même l’énergie vitale de ses victimes. C’est alors qu’Asylum se mettait la main sur son fouet de cuir attaché à sa ceinture. D’un geste rapide, il désarma le Fieffé à quelques pas de lui, ses yeux injectés de sang posés sur le Mage de bataille en armure.
Dépité par la manœuvre audacieuse du Nargolith, le Fieffé prit à la gorge le pauvre Vytautas, laissé pour mort. Celui-ci offrit la vie sauf à la Lame Noire en échange de sa lame subtilisé par Ner’Val. Asylum tenta d’entamer des négociations qui se conclurent malheureusement par la mort de Mihehl et les menaces réitérés du Fieffé.
Le Nargolith prit ses jambes à son cou pour aller se réfugier dans le Temple de Narshoul, le Fieffé marchant tranquillement à sa suite. Asylum posa l’arme sur l’autel, attendant quelques interventions divines inespérées. En vain, le Fieffé foula le sol du Temple et s’empara de sa lame, avant de la ranger dans son fourreau.
« As…tu…un …nom? » dit-il, stoïquement.
« Je suis Asylum Ner’Val, indubitablement » lâcha le Nargolith, derrière l’Autel.
« Tu…me…plais », répondit le Narsillion, laissant derrière lui un Nargolith ébranlé et confus.