La conclusion de longs efforts

La chaleur de l’aube se levant tirait le drap sur la nuit ayant recouvert les landes subrepticement. Tel un rituel, comme à chaque matin, cet évènement fut accueilli par le chant des oiseaux et de la nature s’éveillant. Non loin de là, une oreille aguerrit pouvait entendre Sombrum s’éveiller de même. Nombreuses ombres fuyaient les rues maintenant baignée de lumière pour gagner repos d’une nuit agitée, car en Sombrum le rythme de vie n’est que peu comparable à celle des autres villes. Certains hésitèrent tout de même risquant même de se laisser exposer au soleil pour déterminer la source d’un bruit répétitif et sourd provenant de la sortie de la ville. De larges chariots quittaient les entrepôts de nombreux marchands Nargoliths pour s’y diriger d’ailleurs. Un trafic inhabituel pour ceux connaissant jusque dans leur sang les habitudes de l’être vivant étant Sombrum. Les plus osés, suite à un soupire de résignation, changèrent même leurs vêtements pour s’adapter à la journée. Prenant quelques stimulants pour les soutenir entre le temps les séparant de leur investigation et de leur lit, ils suivirent les chariots. Certains comme curieux, d’autres se fondant parmi les travailleurs sans attirer aucune attention. Telle est la vie en Sombrum, une constante adaptation, un mouvement perpétuel attiré par le magnétisme de tout ce qui saurait sortir de l’ordinaire.

N’en reste pas moins, que les nargoliths sont mortels comme tout le monde, plusieurs travailleurs accompagnant les chariots râlaient d’une soirée trop arrosée au vin, des hastanes d’un levé trop matinal. « Odéon ne représente-t-il pas le soleil ? Qu’ils s’en accommodent et se la ferment. » Balança une langue trop pendue au sein du petit attroupement. Les rires fusèrent néanmoins, teintant d’une bonne humeur renouvelée ce début de journée de travail. Aux vues de l’ambiance régnant, il n’en fut que plus aisé pour les ombres d’assouvir leur curiosité de façon discrète. On pouvait ainsi entendre certains travailleurs s’exprimer : « M’eh, ma soirée me laisse encore marqué, qu’en est-il de ce travail et de qui avons-nous contracté ce contrat ? J’aime toujours mieux savoir pour qui je travail… cela me motive à mieux faire mon travail, ou pas. » . Les curieux furent rapidement récompensés par des langues déliées et de l’information ouverte car c’est la maison Halya et Umrae qui les employait pour dresser une magnifique maison de marbre blanc à la sortie de Sombrum. Halya ? Umrae ? Ima, l’archiviste du clergé de Sombrum et le régisseur du théâtre de Sombrum. Selon les plans, la maison s’annonçait être une nouveauté dans les alentours. Les deux associés avaient clairement spécifié qu’ils ne désiraient pas une autre maison de pierre terne et morne pour enlaidir le paysage. La maison Halya affirmait que cette maison s’élèverait de sa blanche pureté à l’image de sa lignée et de son héritière, Cirinci Halya. La maison Umrae quant à elle affirmait que ce souffle de fraîcheur se verrait une inspiration pour tout ceux l’embrassant du regard.

C’est ainsi que pour de nombreuses journées et semaines voir mois, à chaque matin on pouvait voir la même procession se diriger vers le site de construction. Bien entendu même déjà à la deuxième journée elle n’attirait que peu l’attention, car à Sombrum une nouvelle devient rapidement désuète et déjà-vu. En bordure de la forêt enveloppant la ville on entendait donc le bruit répétitif et inlassable des outils se joindre à ceux de la forêt tout près pour créer une mélodie d’une ironie marquante. Pour ceux continuant de suivre les travaux, il était connu ouvertement que Cirinci Halya et Nyyn Umrae accompagnaient et suivaient les travaux de près sans pour autant s’y interposer ou tenter de les diriger. Se joignant aux travailleurs sur leur heure de dîner pour bavarder autour d’une coupe de vin gracieusement offerte et de quelques échantillons de fromage. Certes, les travailleurs se voyaient heureux de leur condition et en apprirent même un peu plus sur leur passé et Narshoul d’une part, ainsi que sur la culture et les activités à venir de l’autre.

Il était communément su parmi la classe ouvrière de Sombrum que les citoyens et résident sont une classe à part et désirant être à part. À se demander bien souvent en quoi ils méritent leur titre ou l’or sous lequel ils croulent. Bien que tout Nargolith se doive de suivre les préceptes de discrétion, une contradiction se vit qui n’est remarquée bien souvent que par la classe ouvrière : Si les dirigeants se doivent d’être discret, par ce fait même cachant leurs agissements, pourquoi exiger un support aveugle d’un peuple à des gens dont eux ne savent rien, ni de qui ils sont, ni de ce en quoi ils les ont aidé. Il en a toujours été ainsi dans la république de toute façon, seuls ceux impliqués dans la politique savent ce que la politique apporte à Sombrum. Ironie ? Peut-être, voir sûrement pour cette strate de population. Néanmoins, leurs employeurs venaient de leur montrer que la chose pouvait être différente, et ils en furent tous grandement réconfortés.

C’est ainsi qu’à la dernière journée de construction, alors que Cirinci et Nyyn n’étaient présents pour surveiller les travaux, ces derniers décidèrent de parfaire le travail d’une entrée où se mêle grâce florale et pureté du marbre.

Prendre le temps, écouter les gens et dépeindre la réalité pour ce qu’elle est, pas seulement ce que l’on en perçoit. Ces valeurs et habitudes peuvent trouver récompense en quelque part. Pureté, inspiration ? Qui sait si ce ne sont que vaines promesses ou annonce d’un renouveau quelconque dans une vieille ville aussi stagnante qu’un marécage.