- Je suis rentrée.
- « Je suis rentrée Maître » !
Le silence accueillit la réflexion du fameux maître. Il grogna, s’exaspérant de l’attitude provocatrice de son esclave.
- As-tu trouvé mon calvaire de souffre ?
- Nisi. L’endroit que vous m’avez indiqué a été pillé. Et j’ai croisé trois patrouilles Nargoliths et deux de Daelwenas en en cherchant une autre. J’ai renoncé quand la dernière patrouille Nargolith a mentionné votre nom.
Soudain une poigne de fer se matérialisa sur son cou. Elle se débattit, griffant le bras qui la maintenait contre le mur.
- Una ? Tu n’as pas ramené le calvaire ? Comment faut-il que je te le demande, Nellya ? En hurlant ? En frappant ?
A mesure qu’il parlait, son ton montait et les coups se mirent à pleuvoir. Il commença d’abord par une bonne gifle, visant la tempe. Il savait qu’elle s’étourdissait facilement. Puis il ferma le poing et visa la bouche. Naturellement, ses lèvres éclatèrent et le sang jaillit, rouge et vif.
Il continua en la frappant dans le ventre, puis sur les seins. Lorsqu’elle se fit trop lourde pour son poignet, il la laissa tomber sur le sol et termina sa petite séance de deux coups de pieds dans le ventre et les côtes.
Elle avait la respiration sifflante, toussant faiblement pour reprendre son souffle. Erlwin essuya ses mains sur un torchon qu’il avait ramassé non loin et chercha son calme. Aucune des punitions qu’il infligeait à Nellya ne le calmait jamais. Il faudrait un jour qu’il en cherche la raison. Il jeta un regard dénué de compassion vers le petit corps recroquevillé. Qu’avait-elle dit déjà ? Trois patrouilles Nargoliths … et deux Daelwenas.
- Des Daelwenas… si loin de leur territoire… étranges.
Il abandonna son esclave à sa guérison qu’il espéra rapide et préféra aller s’enfermer dans son laboratoire. Il devait étudier les étoiles et préparer un nouveau filtre. Il était tout prêt de réussir sa potion.
Nellya se redressa avec difficulté. Chacune des « punitions » d’Erlwin l’affaiblissait d’avantage. Y mettait-il plus de rage, de hargne ? Ou était-ce, comme elle le craignait, son « double » qui s’épuisait. Bientôt, elle mourrait. Tout le monde meurt un jour n’est-ce pas ? Dommage qu’il faille que ce soit plus tôt que ce qu’elle aurait voulu.
Deux ou trois jours passèrent.
Erlwin, malgré son insensibilité, laissait le temps à son esclave de se remettre de ses punitions. Cependant, l’impatience le gagnait. Pourquoi des Daelwenas traînaient-ils dans le coin ?
- Es-tu en rapport avec les Daelwenas ?
- Je ne suis pas de ce monde-là… comment voudrais-tu que je les connaisse ?
Elle remua les braises de la cheminée et remit une bûche dessus. Il commençait à faire froid. Est-ce que sur Teilia, l’hiver s’installait également ?
Une douleur lui vrilla le bras. Poussant un cri, elle se releva tandis qu’Erlwin serrait un peu plus en la tirant vers lui.
- Allez, finie de te reposer. On part à la chasse !
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- Dis-nous où il se trouve !!!
L'Hastane approcha un tisonnier blanchit par le feu de la cuisse nue de la jeune femme. Nellya lâcha un cri qui s'étouffa dans sa gorge. Ca n'avait pas été des Hastanes ! C'était des Nargoliths... à la peau noire. Pas des Hastanes !
- Pas des Hastanes !!
Elle cria, mais l'image ne se modifia pas. C'était à présent Louen qui portait le tison brûlant sur sa cuisse, enfonçant le feu dans sa chaire. Elle hurla, sentant sa peau éclater et fondre sous la brûlure. Elle sentit son coeur battre jusque dans la blessure. Elle hurlait... la douleur était trop vive.
- Ca n'a jamais été des Hastanes !!!!
Des larmes la noyaient. Sous la douleur, il lui sembla qu'elle explosait en hurlement.
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Elle courrait. Les arbres fouettaient son visage tandis que l'urgence lui vrillait l'estomac. Plus vite... Nellya, Plus vite...
Halletante, elle tourna vivement sa course, coupant à travers les bosquets épais. Elle entendait la course de ses poursuivants la rattrapait. Elle retenait ses cris effrayés de son mieux, mais des sanglots montaient inextricablement dans sa gorge, l'étouffant, la ralentissant.
Une poigne de fer s'abattit sur sa longue chevelure de feu, la jetant en arrière. Elle poussa un cri et se débattit. La lame de l'homme s'abattit sur elle, coupant ses avant-bras et ses mains, faisant jaïllir le sang.
Elle le repoussait de son mieux, silencieuse à présent. Sa poigne se referma sur sa gorge, l'étouffant à nouveau. Elle griffa ses poignets, lançant des coups de pieds pour l'atteindre au tibia.
Cilias... Elle allait mourir... Il la jeta brutalement contre la vitre qui explosa à son contact. Elle sentit son corps tomber... tomber... tomber.
La Vitre ????
La douleur se fit vive contre son crâne. Elle se débattit encore un instant, repoussant les couvertures qui l'entouraient et la comprimaient. Elle poussa une longue plainte de douleur, saisissant sa cuisse à deux mains. Son coeur venait battre contre sa chaire meurtrie avec force. Il lui sembla que sa cicatrice s'ouvrait à nouveau tant sa douleur qui paraissait insoutenable.
Pieds-nus et en robe de baladdi, elle se traina jusqu'à la pièce principale, se réfugiant près du feu, le temps de se masser la jambe avec un onguent.
Comment était-il possible que sa jambe la fasse souffrir encore après tant de temps ? L'esprit était parfois plus fort que le corps.
Dans le silence des Perles, Nellya ne put se rendormir. Trop d'images défilaient encore dans sa tête. Trop de souvenirs... trop de cauchemars.
La solitude se referma sur elle tandis qu'elle assistait au levé de soleil. Un soleil triste et terne, affaibli par l'hiver.