À la faveur de la nuit, déposé sur une table du second étage

Ce pamphlet non-signé circulait un peu partout dans Sombrum, sous des formes quelques peu différentes, mais toujours arborant le même style, d'une écriture vindicative et provocante, et ne dépassant jamais une certaine longueur bien déterminée, pour garder tout l'impact du discour et éviter quelque chose qui pourrait conduire à l'ennui. Une version, pourrait-on qualfier d'officieuse, était consignée à la bibliothèque, déposée d'une main anonyme et, si l'on acceptait de donner foi à de tels propos, quelque peu providentielle. Aucun exemplaire n'était encore connu dans les autres citées.

Citation :

Peuple Nargolith,

Pardonnez moi l'usage des mots qu'emploierai-je dans ces prochaines lignes. Il est de mon devoir de vous sortir de cette ignorance, de cette torpeur qui vous caractérise, et de vous mettre au fait des conséquence d'un refus en tant qu'individu et en tant que peuple de faire face aux choix inéluctables qu'offre un futur de plus en plus rapproché.

Le mortulum, auquel vous acceptez si souvent de vous détourner du regard, n'est pourtant pas d'un problème dont l'on peu se débarasser simplement en l'ignorant. Le non-choix pourrait bien se retrouver d'autant plus fatal pour un peuple qui faille encore à démontrer son utilité sur Teilia, véritable plaie du monde auquel Narshoul lui-même refuserait de s'identifier, et qui n'a plus rien de l'éphémère splendeur qui ait pu l'animer par la passé ; véritable réminisence de temps meilleurs, j'en conviens, où la guerre éternelle du mortulum n'était pas ce qu'elle est désormais. Mais quelle occasion ne fournait-elle pas maintenant, pour les meilleurs d'entre nous, de prouver une nouvelle fois notre valeur, si en effet fut-elle un jour prouvée! (car je peux affirmer sans peur en connaître beaucoup qui n'oseraient tenir de tels propos devant leur Cilias si leur vie devait en dépendre)

Car cette guerre, puisqu'elle s'intensifie dans les jours présents et futurs, demande et supplie pour une intervention extérieure qui fera changer l'équilibre des puissances difficilement maintenu au cours de toutes ces années. Cette action est possible, et c'est pourqoi elle devra être tentée par notre glorieux peuple.

Je supposerai que la plupart d'entre vous êtes déjà familiers au fléau affligeant notre bien-aimé Mortulum. Une guerre, d'une origine immémoriale, seul facteur limitatif d'une puissance autrement sans borne, opposant les forces ordonnées de Dissipastar à celles de la destruction et de l'entropie se réclamant d'Abaddon; une haine réciproque sans doute encore plus grande que celle déployée à l'égard de l'hypocrisie et l'arrogance sans borne du Circan, au plus grand malheur de Narshoul fut-il affirmé.

[Étrangement, il y avait compure abrupte dans le texte, comme si l'auteur avait voulu poursuivre, mais s'était délibérément retenu. Un mouvement d'indécision pouvait qualifier la calligraphie de la première lettre débutant la phrase suivante.]

Ce premier essai ne cherche qu'à vous sensibiliser, digne peuple Nargolith, et non à vous influencer dans un camp ou dans l'autre: c'est pourquoi je m'arrêterai ici. Il me faut encore consulter par méditation ceux à qui notre attention doit maintenant se porter: une première phase passive il est vrai, mais absolument nécessaire pour la suite des choses. Ces entités se repaissent en effet de de vos pensées, ne l'oubliez jamais: le simple pouvoir de l'esprit est bien suffisant pour influencer ces mondes.

Il était dit qu'un certain sieur Orhym, Vlask de prénom, qui sans toutefois avouer la paternité du pamphlet, était toujours en la possession d'au moins l'un d'entre eux, et n'hésitait pas à les distribuer, ou à répondre à certaines questions à leur sujet, en se réservant néanmoins le droit de pas répondre à quelques-unes d'entre elles, afin disait-il de ne pas outrepasser sa faible autorité en la matière.

A la lecture de ce texte, l'on rapporta que Waess Solen eut ce propos :

"Le style alambiqué me laisse peu de doutes : il est écrit de la main d'un Mortan, ou bien d'un individu ayant longuement baigné dans leur culture. Voyez les tournures de phrases, si verbeuses, s'essayant avec maladresse d'insuffler du grandiose et ne parvenant qu'à nuire à la compréhension. Imah, je le confesse, cela fait parfois parti de mes travers. Mais les scribes ne me feront mentir si j'affirmai que les Fils de Kalos ont fait un art de noyer le fond sous la forme.

Et puis regardez cet usage systématique du "vous" : l'auteur veille bien à ne pas être de notre peuple. Et comme tous les donneurs de leçons qui l'ont précédés, il prend grand soin à s'exprimer sous le sceau du secret : notre sang, lui, sait que c'est à la lumière que l'on porte le plus loin son ombre.

Mais n'en ajoutons d'avantage là-dessus et efforçons-nous de faire meilleur usage du thème que son auteur.


Le Mortulum est en guerre, c'est entendu. Mais songer un instant que cette guerre se limite aux frontières de l'Alden auquel nous aspirons serait tomber dans le piège de notre Ennemie.

Car en vérité, il ne s'agit pas de prendre parti entre Abaddon et Dissipastar. Le choix est évident depuis que l'on sait le rôle du Tyran dans le bannissement de nos Créateurs. Sunah, il s'agit de démêler aussi bien dans les Royaumes Divins que dans notre monde les allégeances de chacun : qui œuvre en faveur des Cilias Exilés, et qui prend le parti des Parjures en donnant force à Kaija la Traitresse à sa Race.

Ainsi l'on fait bien de ne concentrer son regard seulement sur le Mortulum, car depuis bien longtemps notre Père aux Mille Desseins à su se constituer des alliés au delà des frontières du royaume qu'il partage avec son frère Kalos. Et de même, les alliances objectives depuis longtemps font leur office chez nos ennemis : sans se l'avouer Demelyor et Dissipastar œuvrent main dans la main, et qui soutient l'un renforce l'autre.


Mais méfions-nous aussi de ceux convaincus de la splendeur de leur race : Si certains d'être à l'image de leur Père, ils en oublient de voir qu'ils se sont contenté d'en torturer les idéaux pour qu'ils leur correspondent, plutôt que de changer et Lui ressembler. Ces Nations si fières se reconnaissent facilement à leur façon de confondre leur nom avec celui de leur Créateur, et de cacher toute erreur comme une volonté de Celui qu'ils doivent servir. "


Au jeune Orhym elle susurra dans un sourire :

Si le sujet vous intéresse, vous devriez prendre connaissance de cet ouvrage portant le nom de "Motivations des Entités". Vous y découvrirez un autre discours sur le même thème.