Études et Pratiques Alchimiques

L’Alchimie doit-elle être appelée Art ou Science ?

Avant de donner la définition de l’Alchimie, il nous faut nous pencher sur son genre et sa différence, puisqu’il devient nécessaire de savoir ces deux choses pour pouvoir en donner une vraie définition. Ainsi, il faut donc examiner si c’est un Art ou une Science. Mais pour ne pas cerner cette question de difficultés, il nous faut éclaircir la différence entre l’Art et la Science.



1- La différence entre l’Art et la Science :

C’est en leurs fins que nous pouvons expliquer la différence entre l’Art et la Science. La Science n’a pour but que la seule contemplation et sa fin n’est que la seule connaissance dont elle se nourrit et se contente sans aller plus en avant. L’Art quant à lui, ne tend qu’à la seule opération, et ne cesse d’opérer.

Ainsi, nous pouvons inférer que la Science n’est que l’examen des choses qui ne sont pas en notre puissance, alors que l’Art ne s’occupe que de ce qui est en notre pouvoir.

Cela posé, nous pouvons désormais nous pencher sur l’Alchimie.



2- Les fins multiples de l’Alchimie :

Avant tout, il faut savoir que l’Alchimie est d’une très grande étendue, et aussi a-t’elle plusieurs fins. Dans toute la nature, car c’est ce qu’elle a pour objet, il y a des choses qui sont tout à fait sous la puissance de ses disciples et d’autres qui n’y sont nullement soumises. Et, en plus de ces deux sortes de sujets, il en est un troisième plus nuancé, puisqu’ils existent aussi des choses qui sont en partie sous leur domination et qui n’y sont pas aussi en partie.

Alors nous pouvons définir de ce fait qu’il y a trois espèces d’Alchimie :

- L’Alchimie philosophique qui est tout à fait scientifique et contemplative. Elle n’a pour but que la contemplation et la connaissance de la nature et de ses effets puisqu’elle prend pour objet les choses qui ne sont aucunement en notre puissance. Donnons pour exemple la nature des Cieux et de leurs Astres, la Source des éléments…

- La Iatrochimie ou Médecine Alchimique qui a pour but l’opération, à laquelle toutefois elle ne peut parvenir que par le moyen de l’Alchimie philosophique car la Médecine a deux parties : la théorie et la pratique et que cette théorie n’est que pour parvenir à la pratique. Ainsi cette Iatrochimie participe aussi de l’une et de l’autre, puisqu’elle ne contemple que pour opérer, et qu’elle n’opère que pour satisfaire les esprits de ses disciples sur la contemplation des choses, et ceci autant pour les choses qui ne sont pas, que de celles qui sont en notre puissance.

- L’Alchimie Pharmaceutique qui n’a pour but que l’opération puisque l’Apothicaire ne doit travailler que selon les préceptes et sous la direction de la Médecine Alchimique. Cette troisième chimie a pour objet les choses qui sont soumise à notre puissance : elle opère dessus et en tire les parties différentes qu’elles contiennent.

Nous pouvons donc conclure que l’Alchimie peut être dite Science et Art selon les espèces qu’elle contient et alors la définir comme une Science pratique.

Définition de l’Alchimie

Ainsi après avoir trouvé le genre, il nous faut nous pencher sur la différence, comme nous l’avions annoncé plus haut, pour donner l’exacte définition de l’Alchimie.

Certains définissent l’Alchimie comme l’Art des transmutations; d’autres, l’Art des séparations, et d’autres encore, l’Art des transmutations et des séparations. Mais comme la transmutation et la séparation sont des effets de l’Alchimie ; aussi ne peuvent-elles pas en établir la spécifique et véritable différence. C’est pourquoi il faut nécessairement que nous prenions sa différence de son objet et comme nous l’avons dit ci-dessus l’Alchimie a pour objet toutes les choses naturelles que les Dieux ont tirées du chaos par la création.

Par choses naturelles, nous entendons non seulement les corps mais aussi toutes les choses créées, quoique privées, de tout corps : ainsi l’opposition des choses naturelles aux surnaturelles, mettra la différence entre les Créateurs et les créatures, pour effacer le reproche qui se fait à ceux qui font profession de cette belle et noble science. C’est pourquoi nous définissons l’Alchimie comme une science pratique, qui travaille sur les choses naturelles. Elle est science parce qu’elle ne contemple pas seulement les choses naturelles, mais encore parce qu’elle passe de la contemplation à l’opération. C’est de cette dernière partie qu’elle peut être appelée une science pratique, en un mot ce n’est autre chose que la Physique même : elle met la main à l’œuvre pour examiner toutes ses propositions par des raisonnements qui sont fondés sur les sens, sans se contenter d’une pure et simple contemplation.

Voici donc la différence qui est entre le Physicien Alchimique et le Physicien de spéculation. Ainsi si vous demandez au premier de quelles parties un corps est composé, il ne se contentera pas de vous le dire simplement, et de satisfaire votre curiosité par vos oreilles : il vous le fera voir et connaître à vos autres sens en vous faisant toucher, sentir et goûter les parties qui composaient ce corps. Mais si vous demandez au Physicien de spéculation de quoi un corps est composé alors il répondra que s’il est corps, il a de la quantité et que par conséquent il doit être divisible et qu’il faut donc que le corps soit composé de choses divisibles ou indivisibles, c’est-à-dire de points ou de parties. Or il ne peut être composé de points, puisque le point est indivisible, et n’a donc aucune quantité. Ainsi par conséquent il ne peut communiquer la quantité au corps, puisqu’il ne l’a pas lui-même, donc on en conclut que le corps doit être composé de parties divisibles. Alors on pourra lui demander si la plus petite partie de ce corps est divisible ou non. Si elle est divisible alors elle n’est plus la petite partie du corps puisqu’elle peut être divisée en d’autres plus petites. Si elle est indivisible, alors cela reste le même problème, parce quelle sera sans quantité, qu’ainsi elle ne pourra la communiquer au corps, ne l’ayant pas elle-même car on sait que la divisibilité est la propriété essentielle de la quantité.

Vous voyez ainsi que la Chimie rejette les arguments spéculatifs de cette nature, pour s’attacher aux choses qui sont visibles et palpables ; ce que nous ferons voir dans le travail : car si nous vous disons qu’un tel corps est composé d’un esprit acide, d’un sel amer et d’une terre douce, nous vous ferons voir, toucher, sentir et goûter les parties que nous en tirerons, avec toutes les conditions que nous leur aurons attribuées.