Certains prétendent que la mort est l'aboutissement d'une vie... Mais laissez-moi donc vous parler d'un jeune homme pour qui la mort demeure la seule chose qui puisse encore le maintenir debout. Quelqu'un pour qui la mort est une passion obsessive.
"Korvüs", c'est ainsi qu'il se fait appeler... On raconte que ce surnom date de l'époque où il était encore un jeune Nargolith timide parmi tant d'autres. Très jeune déjà, Korvüs avait du mal à se lier aux autres. Laissé à part par les enfants plus sociables, il en accru sa timidité et son plaisir à être seul, loin des brimades des autres qui ne semblaient pas le comprendre. Rejeté pour ses habitudes inhabituelles, il ne fit que se replier un petit peu plus sur lui-même chaque année et finit par apprendre à apprécier davantage la présence des corbeaux que celle de sa propre race. Avec eux au moins, il était tranquille, surtout que personne ne le dérangeait jamais au cimetière où il avait l'habitude d'aller... Ainsi du mot "corbeaux" lui vint son nom de Korvüs - à un tel point qu'on en oublia sa véritable dénomination.
C'est lors de ses débuts dans le métier de fossoyeur qu'il découvrit une passion pour une chose dont normalement les gens évitent de parler... la mort. Souvent, lorsqu'il fini de creuser une fosse mortuaire, il s'amuse à s'étendre au fond du trou et ainsi il ferme les yeux pour ensuite plonger dans une transe qu'il prétend le rapprocher davantage des morts habitant le sol autour de lui. Que de drôles passe-temps pour un jeune homme de son âge! Avec le temps, ses funèbres habitudes devinrent vite pratique quotidienne et plus il vieillissait, plus la mort et ses mystères semblaient prendre de l'importance dans sa vie... Peut-être même un peu trop selon ses parents. Mais un jour ils en eurent assez de son comportement agressif qu'il développait tout en grandissant qui était causé par son grand manque de relations humaines et le chassèrent hors de la maison car les tentions et querelles devenaient de plus en plus fréquentes. Dégoûté par l'agissement de ces derniers, il se jura à lui même qu'il ne leurs adresserait jamais plus la parole et qu'il renierait désormais pour de bon le nom de la famille qu'il portait jadis. Puisqu'il possédait la clef de la remise à cercueils du cimetière où il travaillait et qu'il n'avait plus aucun lit douillet à sa disposition, il passait ses nuits couché sur le sol de cette petite cabane entre les cercueils empilés chaque coté de lui, c'était loin du grand luxe mais Korvüs semblait toutefois satisfait. Il est certain qu'une personne normale ne se contenterait pas d'une telle suite mais sa fascination le poussait à faire certaines choses morbides que normalement personne n'oserait faire. On raconte même qu'il enterrerait régulièrement ses vêtements dans les cimetières afin de les imprégner de l'odeur de la chaire en décomposition pour attirer ses amis les corbeaux.
Après une dure journée de travail, épuisé, il planta sa pelle au fond de la fosse qu'il venait de terminer espérant trouver le temps d'essuyer son front perlant de sueur mais c'est alors qu'un bruit de bois qui éclate se fit entendre. Il semblait déjà y avoir un cercueil à cet endroit... Une fois le nuage de poussière dissipé, Corvus se mit à genou pour mieux regarder à l'intérieur. Un grimoire gisait entre les mains squelettiques du cadavre qui se trouvait à l'intérieur du cercueil pourrit. Intrigué, il retira délicatement les ossements, le prit dans ses mains souillées de terre et essuya la poussière qui recouvrait l'ouvrage. Après l'avoir examiné et ayant déjà vu amplement de cadavres, il fût en mesure de remarquer que le cuir qui recouvrait le grimoire était en faite de la peau humaine qui semblait être finement travaillée. Un sceau métallique représentant un pentagramme inversé était apposé au centre de la couverture et il y avait également cinq mystérieux symboles chacun alignés avec une des pointe de l'étoile. D'après sont allure, cela semblait être un grimoire de nécromancie et... ce tas d'ossements poussiéreux semblait être son ancien propriétaire. Fasciné par sa découverte, il se mit à le feuilleter page après page mais l'obscurité commençait à dominer les lieux au fur et à mesure que le soleil entamait son crépuscule. Puisqu'il était désormais privé de lumière, il alla se terrer dans la petite remise à la lueur d'une chandelle ou il pourrait ensuite continuer à étudier sa trouvaille plus en profondeur...
Le lendemain matin, Korvüs se réveilla adossé sur un cercueil, le grimoire ouvert sur ses cuisses. Semblerait-il qu'il l'ait feuilleté toute la nuit. Laissez-moi vous dire qu'il n'était pas tout à fait en forme pour creuser des fosses cette journée là! À vrai dire, le scénario se répéta ainsi plusieurs nuits consécutives, or, son corps vidé d'énergie ne pu endurer ça bien longtemps et avait désormais du mal à bien faire son travail. Il ne pouvait plus continuer comme ça sinon il pouvait se préparer à creuser sa propre fosse. Du moins s'il en serait capable... Son gagne pain en dépendait car s'il continuait à être inefficace, il ne perdrait pas seulement son emploi mais aussi son toit ou il pouvait jusqu'a présent dormir. Il devait faire quelque chose, mais quoi? La solution se cachait presque sous son nez, et il ne tarda pas à la découvrir. Selon son grimoire, il serait possible de puiser de l'énergie à partir d'un être vivant sacrifié lors d'un rituel nécromantique. Un être vivant? Devrait-il tuer un être humain? Ce jeune homme est peut-être légèrement dérangé mais pas au point à risquer de devoir endosser les conséquences de son geste face à l'autorité. Il attendit donc que la nuit tombe pour aller voler une chèvre chez un éleveur qui habitait tout près. Le vol d'une chèvre reste tout de même moins important qu'un meurtre...!
Comme prévu, il conduit l'animal dans un sous bois non loin de Sombrum afin de procéder à ce qui allait devenir son premier rituel si tout se passait bien. Une fois suffisamment loin du village, il attacha la corde qui pendouillait du cou de la bête à un vieux chêne puis se mit à genou. Il déposa son épais grimoire par terre près de lui et l'ouvrit à une page prédéfinie qui semblait être marqué par un fin lacet de cuir tandis qu'il tenait un petit poignard fraîchement affûté de l'autre main. Il se mit à lire à haute voix l'incantation telle qu'inscrite dans son précieux livre tout en maintenant la dague haut vers le ciel. Korvüs enfonça avec vigueur la dague dans le cou de sa victime la faisant pousser un beuglement. Le sang ruisselait à flot sur la fourrure de la bête la conduisant dans l'agonie. D'un mouvement brusque il retira la dague de la chair puis la planta dans l'écorce du chêne qui retenait l'animal pour ensuite fermer les yeux. D'une voix plus forte et plus convaincante il répéta l'incantation tout en élevant le ton après chaque mot. Il rouvrit les yeux et posa l'index gauche sur le sang chaud qui coulait sur la dague toujours enfoncée dans l'écorce et se traça un pentagramme sur la paume de sa main droite. À ce moment là l'étoile sur sa peau s'illumina d'une aura verdâtre qui semblait s'intensifier lorsqu'il approchait la main de la dépouille qui gisait au sol. Il la toucha et sentit soudainement son corps se régénérer au contacte de sa main. Il fût légèrement secoué, il faut dire que c'est sa première fois... mais certainement pas la dernière puisqu'il ne tarda pas à recommencer autant de fois que nécessaire... Au point tel qu'il en venu totalement dépendant, c'était en quelque sorte un cercle vicieux dans laquelle il s'était lui même jeté. Il ne pouvait plus s'empêcher d'étudier cet art qui l'obsédait tant et qui lui coûtait également la santé mais qui à la fois lui donnait la chance de continuer... Trop corrompu déjà qu'il ne pu s'empêcher de continuer ses sombres rituels qu'il prenait plaisir à perfectionner de fois en fois.